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Remise de médaille sur le court central.
A gauche, la duchesse et le duc de Kent
A droite, Bobby Riggs et Yvon Petra
(63) 1977 :
Le Wimbledon 
du centenaire
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Décidément, les anglais ne font rien comme tout le monde. En 1926, la reine Mary avait présidé aux cérémonies du cinquantenaire, et voilà qu'ils choisissent l'année 1977 pour fêter le centenaire du plus grand tournoi de tennis du monde. Allez comprendre...
Ce décalage de date nous laisse perplexe. C'est pourtant bien en 1877 que les historiens du tennis situent le premier tournoi officiel. Cette année là, un certain Spencer Gore avait remporté le premier tournoi de Wimbledon en inventant la volée, un coup qui devait faire école... 1977 semble donc être bien l'année de référence pour un centenaire.

Alors, que s'est il passé en 1926 pour que les organisateurs se croient obligés de célébrer un cinquantenaire ? La réponse est peut-être dans cette affichette commémorative d'une compétition qui se serait tenue à Wimbledon en 1876... Si un tournoi s'est réellement tenu à Wimbledon en 1876, il faut reconnaître que cet événement et le nom de son vainqueur, Charles Winterburn, sont tombés dans l'oubli aujourd'hui. En l'absence de certitude, et comme je crois savoir que les anglais savent compter jusqu'à 50 comme tout le monde, il nous faut donc supposer que les anniversaires de 1926 et 1977 ne faisaient pas référence au même événement !

C'est donc bien pour célébrer le centième anniversaire de l'épreuve que le tournoi de 1977 commença par une cérémonie pleine d'émotion. Le lundi 20 juin, le All England Club avait invité les anciens vainqueurs encore en vie, pour une remise de médaille en présence du duc et de la duchesse du Kent. De Jean Borotra et Leslie Godree, le doyens vainqueurs de l'édition 1924, jusqu'à Bjorn Borg et Chris Evert, les tenants du titre, ils étaient presque tous là réunis pour un événement unique. On put ainsi voir sur le court central alignés bien sagement 41 vainqueurs de simple et deux de double : Toto Brugnon et Elisabeth Ryan. Appelés un à un, tous défilèrent sous les yeux de 14000 spectateurs enthousiastes pour recevoir la médaille des mains de la duchesse de Kent.
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La photo du centenaire
A gauche, les mousquetaires Borotra, Lacoste et Cochet. A l'extrême droite Smith et Ashe.
Tous ? Non, car l'un d'eux, à l'appel de son nom, ne se présente pas. Jimmy Connors, pourtant bien présent à Wimbledon ce jour là, brille par son absence. Il y eut alors comme un parfum de scandale qui parcourut le vieux stade. Qui était donc ce Jimmy Connors pour ce permettre un tel affront vis à vis de la famille royale, du public anglais et des organisateurs du tournoi ? Celui que les anglais avaient surnommé "l'immodest", référence à ses déclarations fracassantes et ses gestes quelquefois déplacés, s'entrainait tout simplement sur un court secondaire. Pressé par les journalistes de s'expliquer, Jimmy minimisa l'incident en prétendant ne pas avoir été averti de la cérémonie... Heureusement, pour calmer les esprits, sa mère Gloria voulut bien prendre la résponsabilité de l'incident. Au cours d'une conférence de presse improvisée, elle avoua gérer l'emploi du temps de son grand fils - 25 ans ! - et c'est bien elle qui avait oublié de le prévenir.
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Mais revenons au tennis. Et c'est le grand Rod Laver qui retient l'attention en ce début de tournoi. Revenu à 39 ans sur les lieux de ses exploits pour recevoir sa médaille, l'homme aux deux grands chelems en profite pour faire ses adieux à la compétiton. Au deuxième tour, il rencontre le tête de série N°8, l'américain Dick Stockton. Pendant deux sets, on put alors admirer pour la dernière fois le merveilleux jeu d'attaque de l'australien, sa légendaire volée de revers et ses incroyables reflexes au filet. Mais Laver n'avait pas disputé de matchs en 5 sets depuis longtemps. Après avoir perdu le deuxième set de justesse, il ne fit plus que résister dans les deux sets suivants. Inscrit également en double avec son copain John Newcombe, Laver joua alors son dernier match à Wimbledon au cours d'un bataille mémorable en cinq sets, contre Riessen et Tanner. 
Laver à Wimbledon, 1977==>
Il retrouve pour l'occasion la légendaire
raquette de ses deux grands chelems : la Dunlop Maxply
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Laver et Newcombe, Wimbledon 1977
Laver éliminé, on commença alors à s'intéresser aux deux grands favoris du tournoi Borg et Connors, que tout le monde s'attendait à retrouver en finale. Tous les deux sont engagés dans les championnats Intervilles américains, ils sont donc un peu à court de compétition et vont connaître des débuts difficiles. Au deuxième tour, Borg affronte l'australien Edmonson sur le lointain court N°14. Le terrain est lourd ce jour là, et les rebonds presque inexistants. C'est donc à une partie presque sans échanges à laquelle on assiste et à ce jeu là, l'australien n'est pas maladroit. Il mène deux sets à rien avant de se faire grignoter son avance, non sans avoir donné quelques frayeurs au suédois. 
Les matchs en trois sets s'enchaînent ensuite jusqu'en demi-finale où Borg retrouve un autre joueur des Intervilles, Vitas Gerulatis. Ce sera le plus beau match du tournoi et Borg cette fois va passer bien prêt de la défaite. Après trois heures de jeu, Borg fatigué a du mal au début du cinquième set. Il perd son service, et il est mené 3-2 40-30 sur le service de Gerulatis. En principe, l'américain a le match en main, mais il est lui aussi fatigué. Curieusement, il ne suit pas son second service au filet, ce qui était la dernière chose à faire dans cette situation. L'échange de fond de court, c'est le point fort de Borg, surtout en deuxième semaine quand l'herbe du court central commence à ressembler à la terre battue sur les lignes de fond. Quand Gerulatis se décide enfin à monter au filet, le passing de Borg est imparable. C'était le point à ne pas manquer et Borg égalise à 3 partout. A 7-6 pour Borg, tout semble encore possible. Sur le premier point, Gerulatis sert et monte au filet. Trois fois il est repoussé au fond du court, trois fois il repart à l'attaque pour finalement conclure victorieusement sur une volée acrobatique après un rallye de 25 échanges...  Borg impassible n'a pas bougé de sa ligne de fond et l'américain, épuisé ne retrouve pas son souffle. Ce premier point gagné, si important, lui est finalement fatal. Il rate ensuite une volée facile, et le suédois réussit deux lobs chanceux imparables que l'américain n'ira pas chercher.  C'est fini, et Borg se tire miraculeusement de ce mauvais pas. Voici le premier finaliste connu.  

Une poignée de mains entre deux amis
Victoire de Borg 6-4 3-6 6-3 3-6 8-6 !
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Dans l'autre moitié du tableau, c'est un revenant Stan Smith qui fait des misères à Connors en huitième de finale. Le vainqueur de 1972 revient de deux ans de galère, deux longues années à soigner une douleur au coude qui l'empêchait de jouer. Obligé de plonger son coude dans un seau d'eau glacé après chaque match, Smith avait longtemps cherché le remède miracle. L'année d'avant, contre ce même Connors, il n'avait pris que 7 jeux... A 31 ans, l'américain a enfin retrouvé son tennis et l'enthousiasme de sa jeunesse. Et il y croit quand il mène deux sets à un, puis quand il s'accroche encore jusqu'à 3 partout au cinquième set. Ce ne sera pas suffisant. La puissance et le jeunesse de Connors finissent pas avoir raison du géant. californien. Score final 7-9 6-2 3-6 6-3 6-3.

McEnroe à Wimbledon, 1977
Mais l'arrivée - attendue - de Connors en demi-finale se fait dans l'indifférence générale. Dans l'autre quart du tableau, trois têtes de série - Tanner, Panatta et Ramirez- tombent d'entrée, facilitant ainsi la progression d'un junior sorti des qualifications, un certain John Patrick McEnroe. Le jeune américain passe quatre tours, et décide de scratcher dans l'épreuve junior. Les journalistes commencent alors à s'intéresser sérieusement à ce phénomène. On admire son tennis d'attaque, ses volées qu'il pose là où il veut, et son service lifté qui trouve des angles impossibles. Tous les coups semblent faciles à ce gaucher rouquin au gabarit moyen, mais au caractère explosif. Ses coups de gueule et ses discussions avec les arbitres font vite la une des journaux, et certains parlent déjà d'un nouveau Nastase... A voir. Ce qui est certain en tous cas, c'est l'extraordinaire rage de vaincre qui l'anime. Il ne craint personne et le prouve en quart de finale contre Phil Dent, la tête de série N°13. C'est la revanche de Roland-Garros où, un mois plus tôt, l'australien l'avait emporté de justesse au deuxième tour. Cette fois, le junior a pris de l'assurance, il passe l'obstacle en cinq sets. En demi-finale, le gamin sorti des qualifications est en bonne compagnie, avec les têtes de série N°1 , 2 et 3 ! Au passage, avec ses trois tours de qualification, John McEnroe devient le premier joueur - et encore le seul jusqu'à ce jour - à avoir passé 8 tours dans le tournoi. Un record qui tient toujours. Enfin, pour finir son extraordinaire parcours, McEnroe joue crânement sa chance contre Connors, le tête de série N°1. Il empoche le troisième set, accumule les balles de break au quatrième sans en gagner une, et s'incline finalement et logiquement 6-3 6-3 4-6 6-4. 
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Le jeune américain quitte Wimbledon avec les honneurs, mais sans un sou de plus ! Son statut d'amateur ne lui permet pas en effet d'empocher les 40.000F auxquels sa place de demi-finaliste lui donnait droit. Sagement, John McEnroe choisira pour sa carrière la voie de la patience. A son retour aux États-Unis, il s'inscrira à l'université de New-York et attendra encore un an avant de passer professionnel.
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  Et c'est enfin la grande finale tant attendue. La tête de série N°1, l'américain Jimmy Connors, premier du classement ATP depuis le 29 juillet 1974, contre le tenant du titre et tête de série N°2, le suédois Bjorn Borg. Une finale explosive qui tient toutes ses promesses. Connors a une revanche à prendre et il commence le match tambour battant. Il prend le premier set 6-3, perd le second 6-2, et s'effondre dans le troisième qu'il perd 6-1. L'américain s'accroche encore dans le quatrième qu'il gagne de justesse 7-5. Il parait épuisé, et Borg qui a joué sur le même rythme depuis le début se détache. Il mène rapidement 4/0, service à suivre et tout semble joué. A 40/30, Borg s'apprête à servir la balle de 5/0. Que se passe-t-il alors dans sa tête, pour qu'il change tout à coup sa façon de jouer ? Son service est moins tranchant, il ne cherche plus à gagner les points, et se met à attendre la faute de son adversaire, comme si le match était déjà gagné... La suite est à peine croyable. Borg subit tout à coup la pression de Connors qui profite du répit que lui laisse son adversaire. L'américain alors prend tous les risques, attaque toutes les balles, vise les lignes et ne fait plus une faute. Il accumule les exploits, et dix minutes et 4 jeux plus tard, le score est de 4 partout, 15/0 pour Connors! Borg semble à la dérive et l'américain bien près du but. Incroyable!
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Tout bascule sur le point suivant, Connors fait une double faute au pire moment! C'est lui qui se met à douter alors que Borg respire. A 15 partout, les deux joueurs savent que le point suivant est décisif. Mais la pression est revenue sur Connors qui vient de perdre tout seul un point important. Quand il sert, l'américain sait qu'il ne peut pas se permettre une deuxième double faute. Il retient son coup, assure sa mise en jeu et Borg en profite : 15/30, 15/40 et jeu. Connors est K.O.! Le suédois a retrouvé la confiance et le jeu suivant est sans histoire. Borg gagne 7 des 8 derniers points pour l'emporter finalement 6-4.

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Pour Borg, c'est une confirmation et un magnifique doublé. Pour Connors, c'est la malédiction qui continue. Arrivera-t-il un jour à reconquérir ce titre qu'il avait si facilement gagné en 1974 ?
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Dernière mise à jour : 10 avril 2010
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Avril 2010. .