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Bengston, Anderson, Bergelin(cap.) et Borg
Finale de la coupe Davis, 
Stockholm, 21 Décembre 1975
(61) 1975-76
Borg : de la coupe Davis
à Wimbledon
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Si 1974 est l'année de Jimmy Connors, et 1975 celle d'Arthur Ashe, il est un qui semblait attendre son heure : Bjorn Borg. A 19 ans, le suédois fort de ses deux succès à Roland-Garros semblait promis à un bel avenir. Et pourtant, il lui restait presque tout à prouver. Connors qui caracolait alors en tête du classement ATP avait remporté leurs trois dernières rencontres. De plus, son jeu construit sur sa puissance du fond du court et ses passing shots, s'adaptait mal aux surfaces rapides : Battu par Ashe en finale de la WCT et à Wimbledon, battu en trois sets par Connors à l'US Open - sur terre battue ! - Borg se devait de réagir s'il voulait conquérir la place de N°1 mondial.
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Pour atteindre son but, Borg va d'abord se forger le caractère à la dure école de la coupe Davis. En 1975, l'équipe suédoise va faire un remarquable parcours. Cette vieille épreuve bien malmenée pour des raisons extra sportives est alors au plus bas. Boudée par les plus grands, menacée de plus en plus par l'intervention des gouvernements ou des groupes de pression - anti apartheid ou anti-Pinochet - sa crédibilité était grandement entamée. Après la victoire par W.O. de l'Afrique du Sud en 1974, l'année 1975 se présentait mal. Voyez plutôt : 
- Élimination des États-Unis au premier tour (sans Connors) par le Mexique. Stan Smith victime de douleurs au coude à répétition, n'est plus que l'ombre de lui-même...
- Boycott de l'Afrique du Sud par la Colombie puis par le Mexique. Seule l'équipe chilienne accepte de rencontrer les représentants du pays de l'apartheid. L'Afrique du Sud finira par être exclue de la compétition en 1977.
- Menaces sur l'équipe Chilienne qui représente, qu'elle le veuille ou non, le gouvernement militaire du Général Pinochet. Des menaces de mort sont lancées par des organisations pacifistes suédoises, lors de la demi-finale Suède-Chili. La fédération suédoise prend ces menaces au sérieux et décide de faire jouer la rencontre à huis clos : dans le stade de Bastad, les seuls spectateurs seront les 1200 policiers mobilisés. Sont également présents autour du stade 100 chiens, 50 chevaux, 3 hélicoptères et deux vedettes de la flotte ! On croit rêver...
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Borg - Kodès : le match vedette de la finale de la coupe Davis 1975.
Victoire de Borg 6-4 6-2 6-2
  Dans ce contexte houleux, la coupe Davis va être sauvée par les quelques pays européens qui prennent encore l'épreuve au sérieux. Et parmi eux la Suède emmenée par sa vedette Bjorn Borg. Si ce dernier gagne sans problème tous ses matchs de simple pendant les 5 premiers tours, c'est un second couteau Birger Anderson qui va plusieurs fois gagner le point de la victoire.  Peu connu, ce joueur a un tempérament de lutteur et des nerfs d'acier: il remporte le match décisif contre l'Allemagne, l'URSS et enfin contre l'Espagne (Higueras en 4 sets !). Après une demi-finale jouée dans une ambiance glaciale et policée contre le Chili, la Suède est qualifiée pour la première fois de son histoire pour la finale de la Coupe Davis.
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Son adversaire est la Tchécoslovaquie. Emmenée par un vieux routier de l'épreuve Ian Kodès, l'équipe tchèque s'est qualifiée sans problème sur la terre battue de Prague, triomphant d'une bien pâle équipe australienne avec un Tony Roche vieillissant et peu à l'aise sur cette surface. C'est une finale historique, la première jouée en Europe depuis 1937, et la première 100% européenne depuis 1933 ! 
Le match se joue sur la moquette du court couvert du Kungliga Tennishallen à Stockholm. Sur cette même moquette deux semaines auparavant, devant son public, Borg a été balayé en finale du masters par un Nastase des grands jours 6-2 6-2 6-1. Le public suédois est inquiet, on le serait à moins... C'est pourtant un Borg à la confiance retrouvée qui va gagner la rencontre à lui tout seul : il remporte en effet ses trois matches en trois sets. L'expérience et la motivation de Kodes déjà trentenaire ne sont pas suffisantes. Pour le tchèque, c'est la fin d'un vieux rêve et l'occasion de 1975 ne se représentera plus.
Pour Borg et l'équipe suédoise, c'est une victoire sans lendemain. Dès l'année suivante, Borg devenu résident monégasque pour des raisons fiscales, délaisse l'épreuve. Il ne la rejouera plus qu'occasionnellement, donnant finalement raison à ceux qui pensaient que la vieille épreuve par équipe n'avait plus sa place dans le tennis professionnalisé à outrance, et dans un monde politiquement de plus en plus agité...

Le triomphe de Borg
en Coupe Davis
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Borg en grand favori de Roland-Garros
Tennis de France juin 1976
Borg va alors donner une nouvelle impulsion à sa carrière, mais aussi à sa vie privée. Son émigration à Monte Carlo pour échapper au fisc suédois (et donc au prélèvement de 80% sur ses gains) provoque la colère de la presse et de l'opinion publique suédoise. Plus grave : comme Connors, il se laisse tenter par les très lucratifs matchs défis : en février 1976, il rencontre à Göteborg le vieux Rod Laver avec comme enjeu la modique somme de 100.000 dollars ! Rencontre sans réelle signification sportive, dont tout le monde aujourd'hui a oublié le résultat et le score et c'est tant mieux...
Plus sérieusement, Borg va chercher à améliorer son jeu pour l'adapter aux surfaces rapides qui lui ont peu réussi jusqu'à présent. Il travaille d'arrache pied avec son entraîneur personnel Lennart Bergelin. Au service, il modifie son geste et la position de ses pieds, et il intensifie considérablement les séances d'entraînement quotidiennes. Son service gagne ainsi en puissance, en précision et en régularité. Ce travail est payant : début mai, il remporte la phase finale de la WCT à Dallas aux dépens de Vilas. 
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A Roland-Garros, ce travail de fond ne paye pas. Venu pour conquérir une troisième couronne d'affilé, il est la tête de série N°1 et grandissime favori, en l'absence de Connors et Nastase interdits de séjour pour cause d'Interville. En huitième de finale, il rencontre le N°1 français François Jauffret. A 34 ans, le bordelais n'a plus d'autres ambitions que de s'amuser et de réussir ici ou là un bon match. Personne ne le croit capable ne serait-ce que d'inquiéter le tenant du titre. C'est effectivement ce qui arriva pendant les deux premiers sets perdus rapidement 6-4 6-2.  Puis, le public médusé voit Jauffret tenter enfin crânement sa chance. Il tient l'échange, déborde son adversaire, tente et réussit des coups difficiles sur des points importants. Il n'avait en fait rien à perdre et son solide fond de jeu se prêtait à merveille à ce genre de contre attaque. Borg s'est il alors relâché ? C'est peu probable quand on connaît le personnage... Toujours est-il que Jauffret remporte le troisième, puis le quatrième set. La dernière manche se joue dans une ambiance surchauffée. Le français s'accroche jusqu'à 5 partout, et puis mène 6-5 service à suivre. Il a en principe 9 chances sur 10 de gagner, l'exploit est au bout de sa raquette, à 4 malheureux petits points. 

François Jauffret en 1976
Ce sera un des moments forts de ces internationaux de France 1976. Dans une ambiance glaciale, Jauffret commence par une double faute et Borg en grand seigneur, fait quatre points de suite pour égaliser. Le français crispé n'a pas su prendre sa chance, elle ne se représentera plus. Borg l'emporte finalement 10/8, et les deux joueurs ivres de fatigue regagnent les vestiaires sous une formidable ovation. Le match a duré quatre heures et demi et si Borg a gagné le droit de disputer le tour suivant, il ne s'en remettra pas. En quart de finale, contre Adriano Panatta en état de grâce, Borg souffre, lutte mais craque finalement dans le tie-break du quatrième set. Suite à cette superbe victoire, le bel italien aura le bon goût d'aller jusqu'au bout, et de remporter enfin le grand titre que méritait mille fois son immense talent. En éliminant Eddie Dibbs puis Harold Salomon, deux américains formidables crocodiles des courts, l'italien remporte à la porte d'Auteuil sa seule victoire en grand chelem, juste récompense de ses efforts. 

Panatta a terre. Il vient de réaliser que la volée est bonne...
La balle de match est sauvée
  Mais l'histoire retiendra surtout que cette année là, son arrivée tardive à Paris suite à sa victoire à Rome lui valut un premier tour difficile. Alors qu'il arrivait directement de l'aéroport de Roissy, il rencontre le tchèque Hutka, renvoyeur infatigable, et joueur ambidextre qui ne connaît pas le revers. Panatta se laisse un peu endormir pour se retrouver avec un balle de match contre lui au cinquième set. Que se passe-t-il dans la tête de l'italien lorsqu'il tente, sans avoir l'air d'y croire, une volée acrobatique sur ce qui aurait du être le dernier passing de son adversaire ? Toujours est-il que Panatta rate sa volé, mais effleure avec le bois de sa raquette la balle qui vient mourir du bon côté du filet. Ce coup du sort le remet dans le coup, il gagne finalement 10/8 dans la dernière manche. La victoire ne le quittera plus !
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Harold Salomon, finaliste de
Roland-Garros 1976.
Un terrible accrocheur, 
vainqueur de Vilas

Adriano Panatta, artiste de la
terre battue, quelques fois distrait...
 
Le saut de la victoire ==>
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A Wimbledon, deux semaines plus tard, la réussite est de nouveau du côté du suédois. Bénéficiant d'un tableau relativement facile, il arrive jusqu'en demi-finale sans perdre un set, éliminant au passage Gottfried et Vilas. C'est là que Roscoe Tanner a le mauvais goût de priver le public d'une demi-finale Borg-Connors, une affiche qui allait devenir par la suite un classique des tournois du grand chelem. Tanner, avec le service le plus puissant et le plus rapide de l'époque, réussit l'exploit d'éliminer Connors en trois sets ! Pour Jimbo - que les bookmakers londoniens donnaient vainqueur de Tanner à 40 contre 1 - c'est une humiliation. Pour Tanner, c'est enfin la reconnaissance de l'éfficacité de son tennis : en prenant quatre fois le service de Connors sans perdre une seule fois le sien, Tanner prouvait que son jeu était plus complet que ce qu'on disait, avec des retours de service et des volées qui pouvaient être meurtriers...

Tanner au Service. Une arme 
terriblement efficace !
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Vitas Gerulatis 
Borg en demi finale ne se laissa pas impressionner par le service de Tanner. Le retour de service, c'est justement son point fort. Privé de l'efficacité de son arme principale, Tanner s'incline en trois sets, permettant au suédois d'atteindre sa première finale à Wimbledon.
Dans l'autre moitié du tableau, Ashe tête de série N°1, est éliminé en 5 sets par un jeune new-yorkais à la chevelure de feu et au tennis flamboyant : Vitas Gerulatis. Sorti au tour suivant par le mexicain Ramirez, Gerulatis fit très forte impression cette année là, on reparlera de lui : un tennis inspiré, une merveilleux jeu de jambe, des attaques tranchantes, et enfin une forte tendance à prendre le tennis à la rigolade, ce qui commençait à devenir rare sur le circuit... Bref une forte personnalité qui fit sans problème la conquête du public londonien. 
Finalement, c'est Nastase qui devait profiter de l'hécatombe des autres têtes de série. L'imprévisible roumain arrive en demi-finale sans en avoir rencontré une seule, ce qui lui permet de ne pas trop se fatiguer et de rester pour une fois concentré jusqu'au bout. Sa victoire en trois petits sets contre Ramirez lui permet d'atteindre la finale de Wimbledon pour la deuxième fois de sa carrière. A 29 ans, Nastase saura-t-il profiter de l'occasion qui lui est offerte de remporter le seul grand tournoi qui manque à son riche palmarès ?
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Pour cette finale inédite, il n'y a pas vraiment de favori. On sait Nastase capable de tous les exploits, et sa dernière victoire au Masters où il a littéralement écrasé Borg, lui permet de croire en ses chances. Il peut d'autant plus y croire qu'une rumeur circule sur l'état physique de Borg qui se fait soigner pour une élongation à l'aine. On le dit obligé de gagner en trois sets.

Vraie ou fausse, cette blessure ne semble pas avoir gêné le suédois lors d'une magnifique finale qu'il conclut effectivement en trois sets.  Nastase qui pourtant était au mieux de sa forme, ne réussit que rarement à conclure ses attaques à la première volée, ce qui suffit à faire la différence. On put alors mieux mesurer les progrès réalisés par Borg au service et surtout au filet.  Obligeant Nastase à prendre des risques, il le passait invariablement dès lors que sa première volée ne faisait pas le point; Résultat : victoire sans appel pour Borg 6-4 6-2 9-7. Un triomphe qui devait être suivi de beaucoup d'autres...


L'artiste Nastase au travail contre Borg.

Borg à Wimbledon en 1976

Première de ses 5 victoires !
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Borg au changement de côté. se fait
un traitement sur son muscle douloureux

Tennis de France Août 76

Enfin une vicoire en grand chelem !
Depuis deux ans, Connors
attendait cet instant...
Mais pour figurer définitivement en tête de la hiérarchie mondiale, il fallait encore une chose à Borg : battre Connors. Sa dernière victoire contre l'américain remontait à 1973 du temps  de sa première année junior... Depuis, par cinq fois, Borg avait été battu. L'explication finale était attendue naturellement à l'US Open début septembre. Cette fois, il n'y eut pas de mauvaise surprise et le duel eut bien lieu en finale de l'épreuve. Le match fut somptueux et Connors qui avait retrouvé confiance, puissance et sérénité sortit encore vainqueur de cette confrontation. Le moment décisif eut lieu au tie break du troisième set quand les deux joueurs étaient à égalité un set partout. Il y eut des balles de set des deux côtés et Connors l'emporta finalement 11 points à 9.  Cela suffit à lui assurer un avantage décisif. A la suite de cette victoire, l'américain s'installa pour longtemps en tête du classement ATP. Quant à Borg, il lui restait encore une chose à prouver, la plus importante de touts: qu'il était capable de battre Connors !
Pour mémoire, après l'US Open 1976, voici le résultat de leurs 
sept premières rencontres. Connors mène 6-1 !
1973 : Stockholm 1/2 F - Borg b. Connors 6-3 3-6 7-6
1974 : Indianapolis  F - Connors b. Borg 5-7 6-3 6-4
1975 : US Open 1/2 F - Connors b. Borg 7-5 7-5 7-5
1975 : Stockholm 1/2 F - Connors b. Borg 6-2 7-6
1976 : Philadelphie F - Connors b. Borg 7-6 6-4 6-0
1976 : Palm String 1/2 F - Connors b. Borg 6-1 6-4
1976 : US Open Connors b. Borg 6-4 3-6 7-6 6-4
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Dernière mise à jour : 10 avril 2010
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Avril 2010. .